Thomas Hébrard, Président de U’Wine

Dans un monde qui change vite, où rechercher de la performance ne suffit plus aux nouveaux investisseurs portés par l’envie d’être plus responsable, peut-on investir dans le vin tout en y apportant du sens ? Avoir le vin pour passion et investir dans le vin sont-ils antinomiques ?
Le vin au centre de son investissement
Il convient de partir du produit initial : le vin. Un viticulteur produit du vin en suivant un objectif principal : au-delà d’une logique purement économique de vente, il souhaite que ses bouteilles soient bues, à l'apogée de leur maturité et par un consommateur final.
Avoir le vin pour passion, c’est donc répondre à cet objectif de consommation de la bouteille. Ceci n’est en revanche pas l’objectif d’un investisseur qui lui achète un vin à un instant T et le conserve pour le revendre ensuite. Sa logique n'induit pas que la bouteille soit nécessairement bue un jour : la majorité des modèles d’investissement dans le vin reposent sur l’accroissement d’un encours de bouteilles sous gestion, puis sur l’échange des vins entre clients investisseurs. Il s’agit majoritairement de modèles de spéculation qui ne sont pas appréciés, voir même rejetés, par les domaines et les viticulteurs.
Spéculateurs versus valorisateurs
Il est crucial d’éviter les spéculateurs pour s’intéresser aux "valorisateurs". Un professionnel du vin doit plus que tout avoir ce respect et cette passion pour le vin. Il se doit d’avoir un modèle économique valorisant et durable pour la filière, et même d’allouer avant tout son énergie et ses moyens à cette fin.
Comment peut-il faire alors pour investir et valoriser ? Une très large majorité des acteurs de la filière suivent ce double objectif : un négociant porte du stock pour le valoriser puis le revend à un importateur, qui agira de la même manière avec un distributeur, qui lui même procèdera ainsi avec les restaurants et cavistes qui s'adresseront aux consommateurs finaux. Un restaurant ou un caviste qui se constitue une carte de vins bien étoffée valorise bien l’ensemble des vins.
Il s’agit finalement de la "valorisation naturelle" d’un vin liée à sa distribution. Pour autant, ces acteurs ne permettent pas aux investisseurs de profiter de cette valorisation. Il faut donc s’insérer dans cette logique de distribution.
Trouver l'équilibre entre investissement et distribution
L’enjeu des modèles d’investissement est ainsi d’apporter un équilibre entre investissement et distribution. Ces deux activités doivent être gérées au sein d’une même société pour atteindre l’objectif de départ : que la bouteille soit consommée et que la passion du vin soit comblée.
Pour cela, il faut valoriser les bouteilles à revendre, savoir où sont les consommateurs de demain, et leur proposer les crus qui leur correspondront en termes de qualité, de terroir et de prix. Chacun y trouvera sa satisfaction : l’investisseur réalisera une performance, le consommateur dégustera la bouteille et le producteur verra son vin consommé.
Cette association investissement/distribution peut apporter une part de complexité, mais elle est essentielle pour pérenniser un modèle sain qui conjugue objectif d'investissement et passion pour le vin.
