Ce que pourrait rapporter la mise en place d'un impôt sur la fortune européen

Ce que pourrait rapporter la mise en place d'un impôt sur la fortune européen
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Une enquête inédite, menée à l'échelle du Vieux Continent, et présentée par le groupe des eurodéputés Verts, a évalué les recettes fiscales que pourrait rapporter un ISF européen.

Ce que pourrait rapporter la mise en place d'un impôt sur la fortune européen
Crédit photo © Barbara Vacher

213 milliards d’euros par an : c’est ce que pourrait rapporter la mise en place d’impôt européen sur les ménages plus fortunés, d’après une étude de l’ONG Tax Justice Network relayée par le groupe des Verts/ALE (Alliance libre européenne) du Parlement européen, selon une information du Monde publiée ce mercredi 20 septembre.

D’après cette enquête, réalisée à partir de données statistiques sur les revenus, le patrimoine et les inégalités de l’OCDE et « de travaux d’économistes, tels Gabriel Zuckerman et Emmanuel Saez », l’instauration d’un ISF « modéré et progressif, centré sur les 0,5% les plus riches de chaque Etat européen », se traduirait chaque année par 1,35% du PIB cumulé des 27 pays de l’Union européenne en termes de recettes fiscales, dont plus de 65 milliards d’euros pour l’Allemagne et plus de 46 milliards d’euros pour la France (1,75% du PIB national).

Le top 5% ciblé par cette proposition – dont le patrimoine s’est accru de 35% en dix ans - détient actuellement près de 20% de la richesse européenne, contre 3,5% pour la moitié de la population la moins riche, souligne le groupe politique. En France, 264.956 personnes seraient ainsi imposables sur la partie du patrimoine (hors dettes) excédant 3,6 millions d’euros.

1.083€ de redistribution par ménage européen

Un dispositif qui viserait l’ensemble des actifs des grandes fortunes, à la fois financiers et non financiers (incluant donc l’immobilier, mais aussi les biens "divers" comme les œuvres d’art), et représenterait une somme équivalente « à un chèque de 1.083 euros par ménage européen, qui constituerait la promesse d’une redistribution significative de la richesse nationale des Etats » et permettrait par exemple, en France, d’augmenter « sensiblement » les postes de dépenses d’éducation, de santé, et de couvrir une bonne partie des investissements prévus par le gouvernement pour la transition énergétique.

Rien qu’en France, un tel impôt sur les ultrariches représenterait 1,75 % du PIB, ce qui permettrait d’augmenter sensiblement les dépenses d’éducation (+ 35 %) ou de santé (+ 18 %), voire de couvrir les trois quarts des nouvelles dépenses projetées par le gouvernement pour la transition énergétique, selon les exemples égrenés dans le rapport.

Le rapport considère par ailleurs que l’instauration d’un ISF européen n’aurait qu’un effet migratoire « marginal » des ménages ciblés, de l’ordre de 3,2%.

Initiatives internationales

Cette enquête, inédite à l’échelle européenne, entend mobiliser l’opinion publique sur la nécessité d’une taxation des grandes fortunes. Dans le contexte actuel de forte d’inflation et de finances publiques creusées par les crise successives de ces trois dernières années, les appels à un ISF international se multiplient. La mise en place d’un nouvel impôt international sur les géants du numérique, issues de négociations à l’OCDE, doit voir le jour l’année prochaine dans l’Union européenne, mais cette taxation ne concernera que les entreprises.

En mars dernier, un collectif d’eurodéputés, d’économistes et d’ONG avaient appelé à la création d’un impôt international sur la fortune des ultrariches. Dans une tribune du Monde, les signataires défendaient la mise en place d’une taxe de 1,5% à partir d’un patrimoine de 50 millions d’euros – déterminée « collectivement et démocratiquement », et demandaient à l’OCDE ainsi qu'à l’Onu de lancer des négociations sur le sujet.

Imposer les bénéfices non distribués ?

En France, peu avant l’été, une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), avait remis un coup de projecteur politique sur les inégalités de patrimoine et la nécessité d’une augmentation de l’impôt des plus riches. Mais avec une proposition différente de celles des eurodéputés, basées sur un ISF "classique".

Selon l’enquête de l’IPP, les 75 Français les plus riches (le top 0,0002%) ne sont imposés en moyennes qu’à 26%, contre 46% en moyenne pour les 0,1% les plus riches. La raison ? La composition de leur patrimoine, dont la majorité des revenus émane de bénéfices de sociétés, permet à ces patrimoines d'échapper en grande partie à l’impôt sur le revenu.

L'IPP en tire la conclusion que l’imposition sur la fortune s’est avérée inefficace en France pour lutter contre ce phénomène de moindre imposition, car le plafonnement de l’ISF à un certain pourcentage du revenu personnel (une contrainte imposée par le Conseil constitutionnel en 2012) n’a pas pu permettre d’élargir cette taxation aux revenus non distribués.

Pour rectifier le tir et augmenter la contribution des ultrariches, l’Institut avance la piste d’une taxation spécifique des actionnaires personnes physiques résidents en France « sur l’ensemble des résultats non distribués par les entreprises contrôlées ». Une solution qui pourrait toutefois se heurter à des limites constitutionnelles, et qui demanderait donc d’établir « une définition convaincante de ce qu’est un revenu non distribué, mais effectivement contrôlé, et donc à la libre disposition du contribuable ».

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