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Le gouvernement s’est fixé un objectif de réduction de 15 milliards d’euros de dépenses budgétaires en 2024 pour assainir les Finances publiques.

Annoncée voici un an, la « fin de l’abondance » - hyperbole un peu provocatrice du président de la République pour désigner la reprise d’une certaine rigueur budgétaire -devrait davantage prendre forme l’année prochaine. C’est en tout cas ce à quoi le gouvernement entend s’atteler à la rentrée.
Après une dégradation de l’agence de notation Fitch au printemps dernier, et quelques inquiétudes exprimées chez S&P en dépit du maintien de sa note AA en juin (perspective "négative"), l’Etat français tient à présenter un budget 2024 en ligne avec son objectif de retour à un déficit de 3% en 2027. Ce qui signifie, selon le chiffrage du ministre de l’Economie, de trouver jusqu’à 15 milliards d’euros de pistes de réduction des dépenses publiques pour son prochain budget….
Un déficit public à redresser franchement
La succession de crises de ces trois dernières année (Covid, guerre en Ukraine, pouvoir d’achat/inflation…) aura fortement mis à l’épreuve l’état des finances publiques en portant la dette de la France au-delà des 3.000 milliards d’euros. Ramené à 4,7% du PIB en 2022 après deux années de "quoi qu’il en coûte" (9% en 2020, 6,5% en 2021), le déficit public devrait à nouveau se creuser en 2023 vers les 4,9%, encore bien loin donc de la fameuse règle européenne des 3%.
Dans un contexte d’inflation toujours élevé, et avec des objectifs très ambitieux, le traditionnel dossier budgétaire de l’automne s'annonce particulièrement épineux cette année, d’autant que le gouvernement tient mordicus à ne pas alourdir les impôts après un ensemble d’allègements qui ont fait la marque du premier mandat d’Emmanuel Macron.
« On veut continuer à baisser les impôts », a souligné la Première ministre, invitée de France Bleu ce mercredi midi, pour faire le point sur la rentrée politique.
Une quadrature du cercle qui demandera cependant de reporter d’autres baisses promises (2 milliards d’impôt en moins pour la classe moyenne, suppression complète de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, abattement des droits de succession…) en attendant que la croissance reparte, mais aussi de réduire la voilure de la série de coups de pouce accordés pour protéger le pouvoir d'achat des Français.
La suppression du bouclier énergie pour l'électricité, que le gouvernement avait promis de supprimer progressivement d'ici à 2025, pourrait être effective dès 2024, a fait comprendre Madame Borne en déclarant que « le gouvernement a mis en place un bouclier énergie qui va encore se poursuivre jusqu'à la fin de l'année pour l'électricité, où on prend en charge à peu près 40% de la facture d'électricité des ménages ».
Il ne faudra pas non plus compter sur la mise en place de nouveaux chèques carburant si les prix à la pompe, qui ont à nouveau flambé ces dernières semaines, continuent de grimper.
« On n'a pas prévu de remettre en place des chèques carburants. Ça a été 8 milliards d'euros de dépenses et il faut aussi qu'on puisse investir pour notamment accompagner la transition écologique, sortir de la dépendance aux énergies fossiles », a-t-elle souligné en assurant que « dans les prochaines semaines, on ne s'attend pas à avoir une flambée des prix des carburants ».
Une fiscalité alourdie pour les énergies fossiles
Car entorse à cette sanctuarisation relative de l’impôt toutefois : la fiscalité dite "comportementale" - qui concerne des pratiques jugées nocives, sur la santé principalement, mais aussi sur l’environnement - ne sera pas épargnée, alors que la France doit accélérer le verdissement de son industrie.
C’est ainsi que Bercy prévoit d’alourdir les taxes de certaines activités très carbonées, en mettant fin, notamment, aux « niches fiscales brunes », comme l’avait précisé Bruno Le Maire aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence en juillet dernier.
« Nous augmenterons, à partir du budget 2024 la fiscalité sur toutes les énergies fossiles », avait-il prévenu.
Et si l’essentiel des mesures envisagées impactera exclusivement les professionnels et les sociétés, certaines concerneront aussi les particuliers.
Sont ainsi sur la table des sources d'économies la réduction des avantages fiscaux sur le gazole non routier accordés au secteur du BTP, du transport de marchandises ou encore de l’agriculture, un alourdissement des taxes sur le CO2 des véhicules d’entreprise ainsi que du malus automobile, mais aussi une plus forte taxation des sociétés d’autoroute - sans impact pour les usagers - et des billets d’avion, cette dernière piste ayant été confirmée ce lundi par le ministre des Transports pour financer le ferroviaire. Sur les ondes de franceinfo, M. Beaune a défendu l’idée d’une taxation des billets d’avion qui soit progressive, « selon le pouvoir d'achat des passagers et la distance, donc de l'impact écologique ».
Pas de taxe alcool
Toujours du côté de la fiscalité "comportementale", l’augmentation des taxes sur les alcools, envisagée en vue de boucler le budget de la Sécurité sociale, a été une piste officiellement écartée par la Première ministre, ce mercredi. Cette hausse, qui aurait consisté en un déplafonnement des taxes indexées sur l’inflation, aurait permis de récupérer quelques centaines de millions d’euros, et accessoirement d’agir sur la consommation abusive d’alcool, dont la prise en charge coûterait, en termes de santé publique, quelque 102 milliards d’euros, d’après Bernard Basset, président de l’Association Addictions France. Mais l'impopularité de cette taxe, qui se serait répercutée sur le panier de courses des Français, et, sans aucun doute, la puissance des lobbys de cette industrie, ont coupé court à ces intentions.
Fin de partie pour le Pinel en 2025 ?
Actés en juin, la suppression du Pinel et un "recentrage" du prêt à taux zéro, seront pour leur part bien au menu du projet de loi de Finances.
La disparition du Pinel, une arlésienne depuis plusieurs années déjà, pourrait ainsi être actée en 2025, après un premier coup de rabot en 2023 dans une version allégée fiscalement et plus restrictive en termes de logements éligibles (le Pinel+).
La Cour des Comptes avait souligné dès 2018 l’efficacité limitée du dispositif pour renforcer l’offre locative et soutenir économiquement la filière. Sa suppression, alors que le marché du logement neuf est en plein marasme, fait grincer des dents la filière du BTP et de l’immobilier en général.
Si l’Etat entend le faire disparaître complètement, c’est surtout parce que le Pinel est un dispositif coûteux - en excluant au tableau les recettes fiscales qu'il génère par ailleurs (en particulier la TVA).
Mobilisant plus d’1,5 milliard d’euros par an de dépenses publiques (1,52 Md€ en 2023 avec le Duflot), le Pinel est l’un des soutiens fiscaux publics les plus importants (toutefois loin derrière le crédit d’impôt emploi à domicile, dont la facture estimée à 7,95 Md€ en 2023 la place au podium des niches fiscales les plus coûteuses), mais ses défenseurs arguent qu’il est un pilier de la production de logements en France.
La Fédération française du bâtiment estime que sa disparition menacerait quelque 100.000 emplois dans les deux années à venir ; pour l’ancienne ministre Sylvia Pinel, à l’origine de sa création, « c’est une bombe sociale qui nous attend », considérant qu’elle aura un effet négatif sur la production de logements.
Sans aucun doute, les discussions parlementaires sur le sujet seront houleuses. En lieu et place du Pinel, la création d’un statut de bailleur privé prévoyant un amortissement fiscal du logement loué, avait été une option envisagée au début de l’année par l’ancien ministre du Logement, Olivier Klein, mais celui-ci a été remercié cet été et remplacé par Patrice Vergriete le 21 juillet, et le nouveau ministre ne s’est pas encore prononcé sur ce dossier. La proposition devrait a minima réapparaître dans des amendements de députés LR, qui l’avaient déjà défendue l’année dernière lors du PLF 2023.
Enfin, la limitation des dépenses publiques passera inévitablement par une baisse des crédits accordées pour les missions de l’Etat. Des coupes budgétaires importantes sont attendues du côté du ministère du Travail (moins de fonds pour les contrats aidés, participation pour le compte personnel de formation, diverses aides…). Les dépenses sociales – qui représentent 45% du budget de l’Etat – pourraient être aussi dans le viseur. Mais après une réforme des retraites très impopulaire, leur réduction ne se fera pas sans de fortes levées de boucliers.
