Les banques pourront déroger plus fréquemment aux règles d'octroi des crédits immobiliers pour les acheteurs-investisseurs. Cet assouplissement accordé par la Banque de France ne devrait concerner qu'une minorité de dossiers.

Sans surprise, et alors que le ministre de l’Economie avait déjà prévenu qu’il n’était pas question de toucher au taux d’endettement maximal, le Haut conseil de la stabilité financière (HCSF) a présenté des propositions d’assouplissement qui ne devraient pas ouvrir grand les vannes du crédit immobilier…
Davantage de dérogations pour les dossiers d'investisseurs
Dans ses recommandations rendues publiques ce mardi 13 juin, le HCSF « a décidé d’introduire deux ajustements techniques » : la première est de permettre aux banques de pouvoir déroger aux règles du crédit (un taux d’endettement ou taux d’effort de 35% maximum pour l’emprunteur, une durée d’emprunt de 25 ans maximum et deux années supplémentaires pour le neuf) un peu plus fréquemment pour les demandes d’emprunt hors résidence principale : sur les 20% de dérogations autorisées, la part concernant ces dossiers pourra ainsi passer de 20% à 30% (soit 30% de 20%).
La seconde, plus technique, concerne le dépassement de ces plafonds de production de crédits non conformes par les banques, qui pourra être réajusté sur les deux trimestres suivants.
Selon les estimations des courtiers, cet assouplissement devrait ainsi concerner 6% de la production totale des crédits. « Autrement dit, 3 milliards d’euros en plus par an, soit avec un prêt moyen de 220.000€, 13.600 prêts en plus. On parle donc de moins de 15.000 crédits supplémentaires octroyés par an », décrypte Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole de Meilleurtaux.
L’annonce du HCSF représente une potentielle bonne nouvelle pour les acheteurs investisseurs. « Les investisseurs sont souvent déjà propriétaires de leur résidence principale, avec un crédit en cours qui pèse sur l’endettement », commente Julie Bachet, directrice du courtier Vousfinancer.
Par ailleurs, « le mode de calcul de l’endettement a évolué, passant d’un calcul en différentiel, à un calcul classique, avec une prise en compte des revenus locatifs moins favorable. Ils vont désormais pouvoir emprunter un peu plus facilement, à condition que les banques appliquent réellement cette marge de flexibilité, car en 2023, cela n’a pas été le cas ! Au 1er trimestre, seuls 3% de leur production a été accordé hors critères à des investisseurs contre 4% autorisés, et donc désormais 6%… »
Une marge de flexibilité peu utilisée par les banques
Mais bien sûr, sa portée restera limitée puisqu’elle ne concernera qu’une poignée de dossiers. « Ce n’est pas un assouplissement, c’est un ajustement technique, à la marge…, précise Julie Bachet. Les banques utilisent cette marge de flexibilité à seulement 13,8% au global [car ce système] est trop contraignant, compliqué à piloter et on voit qu’il ne fonctionne pas… Il est certain que les annonces de ce jour ne permettront pas le redressement de la production de crédit. ».
Alors que la hausse rapide des taux d’intérêt a bloqué l’accès au crédit immobilier à beaucoup de ménages, en février, la Banque de France avait déjà rendu mensuel, et non plus trimestriel, le calcul des seuils de l’usure : ces seuils, qui correspondent aux taux maximums auxquels les banques ont le droit de prêter, mais sont calculés sur une moyenne de taux nominaux pratiqués par les banques le trimestre précédent, mettaient ainsi beaucoup de temps à intégrer les variations de taux créant un effet "ciseaux", empêchant les dossiers des consommateurs d’être finançables (il faut une marge d’au moins 50 à 60 points de base entre le taux nominal d’un prêt et son seuil de l’usure pour que le dossier soit finançable).
Leur mensualisation - que le HCSF a par ailleurs acté jusqu'à la fin de l'année 2023 - a permis de donner un peu d’air aux demandes de crédits, mais face à la forte remontée des taux d’intérêt, rapidement passés au-dessus des 3%, les capacités d’emprunt des ménages ont été fortement contraintes, et la production de crédits à l’habitat des ménages a continuer à marquer le pas*. Les professionnels du crédit immobilier réclamaient notamment un assouplissement des conditions d’octroi de crédit posées par le HCSF.
*Passée de 235 milliards d’euros en 2022 à 208 milliards d’euros entre mai 2022 et avril 2023, selon les dernières statistiques de la Banque de France.
