« SCPI : stop ou encore ? »

« SCPI : stop ou encore ? »

Tribune d'Andràs Boros, Président et co-fondateur d'Epsilon Capital.

« SCPI : stop ou encore ? »
Crédit photo © Epsilon Capital

Sur le marché des SCPI, le contexte actuel est marqué par l’annonce de plusieurs sociétés de gestion d’une baisse significative du prix de souscription de certains de leurs fonds. Par la suite, ces derniers subissent une décollecte provoquant des problèmes de liquidité, semant le doute parmi certains épargnants sur la classe d’actif en général. Pourtant, la situation des différentes SCPI existantes sur le marché est extrêmement hétérogène, en particulier pour celles de création récente comme Epsilon 360°.

Pourquoi le prix de certaines SCPI baisse-t-il ?

La hausse brutale des taux d’intérêt a eu comme effet mécanique de réduire la prime de risque de l’immobilier. Pour les actifs les plus « core » (ceux avec les meilleurs emplacements et les locataires les plus solides), achetés en haut de cycle lorsque les taux de rendement à l’acquisition étaient les plus bas, cette prime a totalement disparu (en réalité, elle est devenue négative). Ce choc exogène est venu se superposer à la pénétration fulgurante du flex office durant la période Covid, en particulier en Ile-de-France, impactant de manière significative le segment des bureaux sur ce secteur, qui représente une part importante (voire très importante pour certaines SCPI) des patrimoines immobiliers institutionnels en France.

Ce sont les véhicules les plus exposés à cette typologie et/ou qui ont beaucoup investi en haut de cycle, qui souffrent actuellement. D’une part, la valeur de marché de leur patrimoine est sous pression (reconstitution de la prime de risque oblige), et d’autre part, leur taux de distribution est devenu relativement moins attractif par rapport à d’autres SCPI et à d’autres produits de rendement (obligataires notamment). Les gérants n’ayant plus de marge de manœuvre entre la valeur de reconstitution et le prix de souscription sont donc dans l’obligation de déprécier le prix des véhicules concernés.

La stabilisation prévue du niveau des taux d’intérêt devrait désormais permettre de fixer des nouveaux points d’équilibre entre l’offre et la demande (entre vendeurs et acheteurs) ainsi qu’une nouvelle hiérarchie des taux entre les différentes typologies d’actifs immobiliers, avec les primes de risque adéquates.

Le mouvement de baisse des valeurs n’est pas tout à fait terminé en France

Toutefois, ma conviction est que le mouvement de baisse des valeurs (dans le jargon, le repricing) n’est pas tout à fait terminé en France, pour la simple raison que la baisse de la collecte, sans parler du fait que ceux qui continuent à collecter privilégient certains marchés étrangers où l’ajustement des prix a été plus rapide, va peser sur la quantité de liquidités devant être déployée par les gérants en France. En d’autres termes, les acheteurs auront la main et nul doute qu’ils vont tenter de profiter au mieux de cette fenêtre de tir.

Nous pouvons donc constater qu’il y a aujourd’hui des SCPI en difficulté, mais on ne doit pas selon moi généraliser à une crise des SCPI. Ce scénario me semble en effet peu probable, du moins tant que les articles au titre tapageur ne déclenchent pas de retraits massifs des SCPI de la part des investisseurs, qui accéléreraient alors la chute des valeurs indépendamment des fondamentaux et des nouveaux niveaux des taux.

Que faire dans ce contexte ?

Certaines SCPI décotent sous l’effet mécanique décrit plus haut, malgré un patrimoine de qualité, simplement parce qu’elles ont acheté à des taux de rendement très bas ces dernières années. Parfois, la baisse était prévisible (notamment lorsque la valeur de reconstitution était déjà sensiblement inférieure au prix de part), et on peut se demander s’il n’aurait pas été préférable de lisser la baisse plutôt que d’attendre le dernier moment pour dévaloriser d’un grand coup. Mais, comme en bourse, « vendre la nouvelle » serait une mauvaise idée. Il faut être patient. Sur longue période, les revenus compenseront la décote et avec de futures baisses des taux, les gérants pourront éventuellement rehausser leur prix de part. Nous ajouterons que durant les longues années de « taux 0 », lorsque très peu de placements rapportaient quoi que ce soit, les investisseurs étaient plutôt très satisfaits de toucher 4 à 4,5% de rendement régulier. On n’a rien sans rien …

D’autres SCPI décotent, non seulement à cause de l’effet taux, mais également car leur patrimoine (ou une partie de leur patrimoine) est structurellement inadapté aux nouveaux besoins des usagers. Ici, la question étant structurelle, il faut évaluer si le gérant a un plan stratégique pour gérer le sort de ces actifs, et en fonction, la question de l’arbitrage peut effectivement se poser.

Enfin, certaines SCPI devraient traverser la période sans trop d’encombres. Soit parce que leur patrimoine est moins sensible à la hausse des taux et mieux adapté aux nouveaux usages. Soit encore parce qu’elles sont de création récente (comme notre SCPI Epsilon 360°, lancée fin 2021) ce qui a de facto limité leurs investissements lorsque le marché était au plus haut. Soit enfin parce qu’elles ont eu la prudence de conserver un matelas de sécurité important entre la valeur de reconstitution et le prix de part leur permettant d’encaisser le repricing (par exemple, cet écart était de 9% pour la SCPI Epsilon 360° au 31 décembre dernier).

Certaines peuvent combiner les trois. Mieux, celles qui continuent de collecter bénéficient d’une rare fenêtre à l’achat où elles sont en position de force pour négocier, compte tenu du fait qu’il y a beaucoup moins d’acheteurs dans le marché. Sur ces fonds, il n’y a aucune raison de sortir, et il me semble même judicieux d’y investir.

©2023
L'Argent & Vous
Andràs Boros

Le parcours d'Andràs Boros

Président et co-fondateur, Epsilon Capital

Diplômé d’HEC, Andràs Boros a plus de 20 ans d’expérience dans l’investissement et l’immobilier (Altarea Cogedim, Kaufman & Broad, PAI Partners). Président d’Epsilon Capital, Andràs Boros chasse les opportunités immobilières et promeut les stratégies d’investissement d’Epsilon Capital auprès de ses clients et partenaires.

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