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Tribune de Valérie Batigne, dirigeante-fondatrice de Sapiendo Retraite.

La réforme des retraites est entrée en vigueur le 1er septembre dernier. Elle ne se résume pas au simple recul de l’âge légal même si c’est le point qui a cristallisé les débats. Cette réforme est bien plus complexe et va ainsi vous demander une bien plus grande vigilance au moment de votre demande de retraite.
Voici un petit tour d’horizon des points de vigilance à la suite de la mise en œuvre de la réforme. En effet, si vous avez déjà réalisé des projections retraite, il est fortement conseillé de les refaire car la réforme pourrait avoir des impacts sur votre situation bien au-delà de l’âge de départ.
(Re)Vérifier l’âge à partir duquel vous pourrez partir en retraite
L’âge légal de départ à la retraite, c’est-à-dire l’âge à partir duquel il est possible de demander sa retraite, va reculer de 2 ans, passant de 62 ans à 64 ans. Mais ce recul va se faire de manière progressive, un recul de 3 mois par an qui va ainsi s’échelonner sur plusieurs années. Si vous êtes nés après le 1er septembre 1961, votre âge de départ sera donc de 62 ans et 3 mois, si vous êtes né en 1962, il sera de 62 ans et 6 mois et ainsi de suite.
Voilà le principe. Mais à cette règle de l’âge légal de départ il existe de multiples exceptions que la réforme a fait évoluer. En effet, les départs anticipés, c’est-à-dire avant l’âge légal, vont être bien plus nombreux après la réforme. Il est donc indispensable de vérifier votre éventuelle éligibilité à l’un de ces dispositifs de départ anticipé.
Deux grandes catégories de départ anticipé : la carrière longue et les raisons de santé. Les règles du départ pour carrière longue ont été revues en profondeur par la réforme et celles des départs pour raison de santé ont été assouplies. Résultat : environ 1 départ sur 2 devrait se faire avant l’âge légal.
Il existe, en effet, 4 types de départ anticipé pour longue carrière :
- Le départ anticipé pour carrière longue à partir de 58 ans, si vous avez commencé à travailler avant 16 ans.
- Le départ anticipé pour carrière longue à partir de 60 ans, si vous avez commencé à travailler avant 18 ans.
- Le départ anticipé pour carrière longue à partir de 62 ans, si vous avez commencé à travailler avant 20 ans (attention ici la réforme prévoit une période transitoire).
- Le départ anticipé pour carrière longue à partir de 63 ans, si vous avez commencé à travailler avant 21 ans.
Par ailleurs, le nombre de trimestre requis pour en bénéficier a été plafonné à la durée d’assurance de droit commun.
Rappelons que les trimestres exigés en matière de carrière longue, ne sont pas tout à fait ceux qui sont pris en compte pour votre durée d’assurance et que là encore la réforme a fait évoluer les choses.
Enfin notons que si vous êtes né entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 et que vous avez réuni tous vos trimestres pour le taux plein avant le 1er septembre 2023, alors vous pouvez échapper à l’application de la réforme et ainsi vous voir appliquer les règles de carrière longue antérieures.
En ce qui concerne les départs anticipés pour raisons de santé, la réforme n’a que très peu fait évoluer les âges d’ouverture des droits. Seul le départ anticipé pour incapacité permanente comprise entre 10% et 19% liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle a été reculé de 2 ans, passant de 60 ans à 62 ans. Mais un certain nombre de conditions d’éligibilité ont été assouplies pour certains départs dont celui pour handicap.
(Re)Vérifier que vos trimestres sont bien décomptés
Le nombre de trimestres requis pour le taux plein a évolué avec la réforme du fait de l’accélération du calendrier « Touraine ». Ainsi, 172 trimestres soit 43 annuités seront requis dès la génération 1965.
Mais, par ailleurs, un certain nombre de trimestres qui n’étaient pas comptabilisés dans la durée d’assurance vont désormais l’être. Ce sera par exemple le cas des périodes de travaux d'utilité collective (TUC), des stages en entreprise du plan Barre, des stages "jeunes volontaires", etc. Au total près de 3 millions d’assurés devraient être concernés.
Dans le même ordre d’idée, les trimestres pouvant être validés au titre des périodes d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau sont doublés : ils passent ainsi de 16 à 32.
On peut également signaler la création d’une Assurance Vieillesse des Aidants (AVA) qui va ouvrir le droit à la validation de nouveaux trimestres.
(Re)Vérifier votre montant de pension (décote, surcotes, bonus, malus, …)
Si la réforme des retraites ne remet pas en question la formule de calcul des pensions de retraite, elle va avoir de multiples effets de bord sur le montant des pensions. En effet, l’application des principes de décote et de surcote sur la retraite de base, qui sont liées à l’âge légal et au nombre de trimestres requis pour le taux plein, va modifier à la marge le résultat des montants de pension.
Ce qui pourra avoir un véritable impact tient à la création d’une nouvelle surcote, la surcote « parentale ». Ce dispositif permettra aux parents (les mères en pratique) de bénéficier d’une majoration de pension de retraite de base allant jusqu’à 5%, s’ils ont à leurs 63 ans l’ensemble des trimestres pour le taux plein et au moins 1 trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation. Attention, vous devrez tout de même continuer à travailler jusqu’à vos 64 ans.
Concernant la retraite complémentaire des salariés du secteur privé (Agirc-Arrco), qui applique à l’heure actuelle un malus temporaire de 10% en cas de départ à l’âge pile du taux plein, on attend de savoir s’il sera maintenu ou non avec la réforme.
(Re)Vérifier l’opportunité d’aménager votre fin de carrière (retraite progressive et cumul emploi-retraite)
Les deux dispositifs majeurs d’aménagement des fins de carrière, retraite progressive et cumul emploi-retraite ont également été touchés par la réforme.
Changement majeur en ce qui concerne la retraite progressive : le renversement de la charge de la preuve. En d’autres termes, l’employeur devra désormais expliquer en quoi le temps partiel demandé dans le cadre de la retraite progressive est incompatible avec l’activité économique de l’entreprise. Notons par ailleurs que le dispositif est étendu à tous les assurés y compris les fonctionnaires. Ce qui est à retenir, c’est qu’a priori, il devrait y avoir une augmentation du nombre de demandes.
Le changement majeur en ce qui concerne le cumul emploi-retraite tient au fait qu’en cas de cumul libre (sans plafond), ce cumul deviendra productif de nouveaux droits à la retraite. Attention, pour bénéficier d’un cumul emploi-retraite libre, cela suppose d’avoir réuni les conditions du taux plein. Dans ce cas, il sera possible à l’issue de la période de travail de bénéficier d’une 2e pension de retraite qui est toutefois plafonnée à 5% du montant annuel du plafond de sécurité sociale (soit 2.199,60€/an en 2023 ou 183,30€/mois).
Projections
Pour conclure, retenez que la réforme des retraites opère de nombreux changements au-delà du simple recul progressif de 2 ans de l’âge légal de départ. Ainsi plus que jamais, il est indispensable de réaliser des projections précises pour être en mesure d’établir une stratégie de préparation à la retraite adaptée à votre situation personnelle et à votre projet de vie.
