« Les taux de rendement restent historiquement attractifs sur les obligations d’entreprises »

« Les taux de rendement restent historiquement attractifs sur les obligations d’entreprises »

Tribune de Thomas Giudici , responsable de la gestion obligataire chez Auris Gestion.

« Les taux de rendement restent historiquement attractifs sur les obligations d’entreprises »
Crédit photo © Auris Gestion

Après une période estivale agitée, les taux longs n’auront, de nouveau, pas connu de répit depuis la rentrée. Aux États-Unis, le taux à 10 ans s’est ainsi fortement apprécié depuis fin août (+80 bps autour de 4,90% actuellement) et a même dépassé le seuil symbolique des 5%, porté notamment par l’augmentation de sa composante « réelle ». Pour expliquer ce mouvement, les facteurs sont nombreux mais on mentionnera notamment la révision à la hausse du programme d’émissions trimestrielles du Trésor, le rebond du cours du baril, le réajustement des anticipations de taux directeurs durablement plus élevés et, enfin, la résilience de l’économie américaine qui ne cesse de surprendre.

Les taux européens ont également suivi ce mouvement de hausse (+42 bps à 2,89% le 25/10/2023). Le potentiel de progression supplémentaire nous semble désormais limité face aux craintes de récession de plus en plus prégnantes. C’est notamment le cas de l’Europe qui affiche actuellement un ralentissement beaucoup plus marqué de son activité, notamment dans l’industrie. Notons, enfin, qu’avec la fin du cycle de resserrement monétaire qui approche, les taux courts tendent à se stabiliser ce qui permet une repentification de la courbe des taux.

La BCE acte enfin une pause

Les banques centrales enfin en mode pause ? La BCE n’a pas hésité à relever deux fois ses taux directeurs sur le dernier trimestre, qui atteignent désormais 4%, mais elle a, lors de sa réunion d’octobre, enfin pu acter une pause. L’institution européenne estime ainsi que le niveau actuel des taux est dorénavant suffisamment restrictif mais elle reste prudente et ne crie pas victoire trop tôt. Outre-Atlantique, nous suivrons avec attention la réunion de la Fed la semaine prochaine. Lors de sa précédente intervention en septembre, la banque centrale avait, certes, marqué une pause mais elle avait aussi suscité des inquiétudes en relevant la trajectoire de ses taux directeurs à moyen et long terme. Pour l’instant l’institution reste donc attentive et maintient la pression sur les conditions financières.

5% en moyenne pour les obligations Investment Grade

Bénéficiant de l’appétit pour le risque et de résultats d’entreprises corrects, le marché du crédit était resté bien orienté au cours du dernier trimestre. Le mois d’octobre a néanmoins été plus compliqué entre turbulences sur les taux et inquiétudes géopolitiques. Les spreads de crédit ne sont ainsi plus à leur plus bas annuel mais l’écartement est resté tout de même assez modéré et les obligations se sont dans l’ensemble bien comportées. Les flux sur la classe d’actif restent, par ailleurs, positifs mais les investisseurs ont privilégié la qualité, délaissant ainsi les obligations High Yield qui enregistrent une décollecte depuis le début d’année. Si les valorisations restent très attractives sur l’Investment Grade (taux de défaut implicite d’environ 7% à 5 ans), elles le sont dorénavant moins pour les titres spéculatifs qui sont en plus confrontés au retour du risque idiosyncratique. On observe ainsi une forte disparité de performance entre les émetteurs High Yield. Les taux de rendement restent néanmoins historiquement attractifs, les obligations les mieux notées offrent quasiment du 5% en moyenne contre un peu moins de 9% pour le haut rendement, même si une forte sélectivité est nécessaire sur ce segment.

Les obligations souveraines pénalisées

Les turbulences sur les taux ont fortement pénalisé les obligations souveraines qui affichent désormais une performance négative depuis le début de l’année. Coté crédit, les performances restent cependant au rendez-vous. Les obligations High Yield euros font ainsi toujours la course en tête avec une performance de +5,68% sur l’année (indice iBoxx au 25/10/2023). On note aussi la résilience des Cocos (obligations à conversion obligatoire) qui progressent de +3,04% sur l’année (indice iBoxx au 25/10/2023). L’épisode Crédit Suisse semble être bel et bien derrière nous et la classe d’actif est soutenue par la politique de rappel au premier call de nombreux émetteurs ainsi que les nouvelles émissions sur ce segment.

Reprise du marché primaire

Si, la période estivale a été marquée par une activité primaire anémique, depuis la rentrée, la reprise a cependant été assez intense. Le marché n’a pas eu de difficulté pour absorber ces volumes importants à l’image de carnets d’ordres souvent sursouscrits et de primes d’émission nettement resserrées entre l’indication initiale et le niveau final. Plusieurs points sont à noter au vu des récentes transactions :

L’appétit pour la duration demeure et les émissions d’obligations subordonnées profitent toujours de bonnes conditions d’exécution comme en témoigne la demande pour les Cocos de KBC ou Intesa ainsi que les hybrides de Bayer. Les émetteurs High Yield ont été bien accueillis mais les investisseurs se montrent de plus en plus sélectifs. Ceux-ci n’ont, par exemple, pas répondu présents pour l’émission de Fnac-Darty, jugeant le rendement proposé insuffisant pour le profil de risque de l’émetteur.

©2023
L'Argent & Vous
Thomas Giudici

Le parcours de Thomas Giudici

Responsable de la gestion obligataire, Auris Gestion

Après des expériences au sein des équipes de gestion de la Mutuelle d’Ivry - La Fraternelle (MIF) et d’OFI AM, Thomas Giudici a été recruté comme gérant obligataire chez Ecofi Investissements (groupe BPCE) en 2015, où il a géré un montant conséquent d’actifs financiers pour des acteurs institutionnels de premier rang. II a ensuite participé à la création de Salamandre AM, où il a occupé le poste de responsable de la gestion obligataire.

Thomas Giudici est diplômé du Magistère Banque – Finance de l’Université Panthéon-Assas, Paris-II, après un DEUG en mathématiques fondamentales et économie de l’université Aix-Marseille II.

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