Interview de Tiphaine Vallois, ingénieure patrimoniale chez Aliquis Conseil.

Météo clémente, coût de la vie plus intéressant, liens familiaux... pour tout un ensemble de raisons, de nombreux français décident de lever les voiles et s'installer en dehors de nos frontières pour profiter de leur retraite. Un peu plus d’un million de personnes ont déjà fait ce choix.
Mais quelles sont les conséquences d'une telle installation sur ses pensions de retraite et son patrimoine ? Nous avons posé la question à Tiphaine Vallois, ingénieure patrimoniale chez Aliquis Conseil, qui revient sur les principaux points à prendre en compte.
Comment fonctionne le système des droits à la retraite pour les Français qui décident de résider à l’étranger ?
Tout dépend s’il s’agit de personnes ayant réalisé– tout ou partie – de leur carrière à l’étranger ou non. Dans le premier cas, pour les actifs expatriés, leurs droits à la retraite ont pu être constitués par leurs cotisations via la caisse des Français à l’étranger (pour les salariés), et éventuellement par des complémentaires, selon un mécanisme similaire à celui des personnes ayant travaillé en France: ces cotisations permettent le maintien des droits, et notamment la prise en compte du revenu annuel moyen inclus dans le calcul pour la retraite de base.
A noter que le jeu des conventions bilatérales va permettre également de valider en France des trimestres pour les périodes réalisées à l’étranger, leur mode de calcul étant différent selon les pays. Cela peut être en jours, mais aussi en mois travaillés.
Le site du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale est le site de référence en la matière pour permettre aux personnes en mobilité internationale de se renseigner sur les modalités de leurs droits à la retraite en cas de carrière l’étranger.
Pour les personnes ayant effectué leur carrière en France, leur pension de retraite française est maintenue. A deux exceptions près : l’Allocation de solidarité aux personnes âgées et l’allocation supplémentaire d’invalidité exigent pour leurs titulaires de résider a minima six mois par an en France pour les percevoir.
Dans tous les cas, une installation à l’étranger n’est pas sans incident sur le montant de sa pension de retraite, car elle induit un impact fiscal sur les pensions selon le pays de destination.
Quelle est la nature de cet impact fiscal ?
Il est variable d’une destination à l’autre, et dépend de l’existence de conventions fiscales entre la France et le pays d’installation. Lorsqu’elles existent, celles-ci évitent la double imposition des pensions. C’est donc du cas par cas, même si dans un certain nombre de pays, la fiscalité est aussi plus intéressante qu’en France, où l’impôt est relativement élevé.
C’est par exemple le cas du Portugal ou encore du Maroc. Une résidence à l’étranger permet aussi d’être exempt d’une partie des contributions sociales (CSG, CRDS…), à l’exception de celles des revenus fonciers et des plus-values immobilières, sachant que les résidents de pays de l’espace économique européen (EEE), la Suisse et le Royaume-Uni ont un taux réduit de 7.5% dans ce cas-là.
Les conséquences d’une installation à l’étranger ne concernent pas uniquement les pensions. Elles touchent également les autres formes de revenus : assurance vie, revenus fonciers, mobiliers, taxation des successions, etc. Là encore, les incidences sont différentes d’un pays à l’autre et la fiscalité doit être regardée dans son ensemble.
Qu’en est-il plus exactement pour l’assurance vie ?
Il faut avoir en tête que l’assurance vie est une enveloppe fiscale particulièrement avantageuse, et qu’il est possible de perdre une partie de cet avantage en quittant le territoire national, qu’il soit relatif aux rachats ou à une transmission. Notamment si l’installation est réalisée dans un pays avec lequel la France n’a pas signé de convention fiscale.
Dans certains pays, par exemple, les capitaux reçus à l’étranger issus d’un contrat d’assurance vie en cas de décès de son titulaire peuvent être taxés là où le régime français dispose d'une fiscalité très douce. A l’inverse, la fiscalité de l’assurance-vie peut être majorée selon certains pays d’installation.
Comment fonctionne la prise en charge des soins médicaux pour les retraités français établis à l’étranger ?
Il y aura par principe (pour les pays de l’EEE, l’Union européenne, la Suisse et le Royaume-Uni) un rattachement dans le nouveau pays d’accueil. Afin d’effectuer les formalités nécessaires, il conviendra de se renseigner auprès de votre caisse d’assurance maladie française ainsi que de la caisse d’assurance maladie de l’état d’accueil avant le départ. Les associations de Français de l’étranger sont également sources de renseignements sur ces sujets.
En cas de séjour temporaire en France, la dernière caisse d’assurance maladie française prendra en charge les soins. Cela permet notamment de pouvoir programmer certains actes médicaux en France, où la prise en charge est en général plus intéressante. Attention, toutefois : les modalités de prises en charges seront bien évidemment différentes selon chaque pays. Dans certains cas, il pourra être opportun de cotiser volontairement à une assurance supplémentaire.
Quelles sont les démarches à effectuer pour une installation à l’étranger en vue de la retraite et quels conseils donneriez-vous pour bien choisir sa destination ?
Il est important d’avertir le plus en amont possible à la fois les caisses françaises et du pays d’accueil de son projet de départ. Une fois installé, il faudra envoyer chaque année un "certificat de vie" annuel à sa caisse française de retraite pour continuer à percevoir sa pension. Des formalités supplémentaires sont aussi à prévoir du côté de l’assurance maladie, dont la nature diffère encore une fois selon les pays.
Notre conseil, pour choisir sa destination de retraite, est bien sûr d’aborder ce projet comme un choix de vie, et non comme un levier d’optimisation fiscale ! Je recommande bien sûr de se faire accompagner pour bien connaître et anticiper toutes les conséquences patrimoniales de son installation (notamment au regard du droit de la famille), mais celles-ci ne doivent pas primer. Prendre sa retraite à l’étranger est avant tout un projet personnel ou familial. Même d’un point de vue "matériel", d’autres critères nous apparaissent au moins aussi importants, si ce n’est plus, que la fiscalité : le coût de la vie, ainsi que le système de santé du pays d’accueil.
