Interview d'Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l'analyse marchés d'eToro.

La saison estivale des résultats financiers bat son plein. Après Tesla, Microsoft, Alphabet, Boeing, Coca, LVMH, Orange ou encore Stellantis, le bal des publications se poursuit ce jeudi dans une ambiance relativement nerveuse sur les indices boursiers. Comment se présente l’été pour les marchés financiers et qu’augure la fin de l’année ? Y-a-t-il une stratégie à adopter pour aborder cette période ? Le point avec Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse marchés chez le broker eToro.
Entre les réunions des banques centrales américaine et européenne et une pluie de résultats financiers cette semaine, toute l’attention est portée sur les mouvements boursiers. De façon générale, comment aborder cette période de l’année en tant qu’investisseur avant l’accalmie estivale ?
Le plus souvent, les gérants allègent leurs positions sur des dossiers à risque éventuel avant la période estivale, où l’activité sera beaucoup plus calme, avec très peu de volumes d’échanges. L’idée étant d’opérer des changements stratégiques sur les portefeuilles plus tard en septembre, à la rentrée, lorsque la quasi-totalité des résultats financiers des entreprises ont été publiés, que le tableau d’ensemble est complet.
Si les publications des banques centrales sont toujours des rendez-vous importants pour les analystes, les réunions de la Fed et de la BCE cette semaine* devraient plutôt passer au second plan, car elles ne devraient pas réserver de surprises en procédant à des hausses de taux attendues. Ce sont avant tout les résultats du 1er semestre des entreprises qui portent l’attention des marchés.
Entre Microsoft et Google côté US, LVMH et Stellantis en France, pour ne citer que les publications les plus récentes, l’accueil réservé par les marchés apparaît très hétérogène d’une société à l’autre. Dans leur ensemble, les premiers résultats semblent pourtant tenir la route, surtout si l’on considère le contexte économique de ces derniers mois avec le pic d’inflation et les hausses de taux. Que signifient ces "écarts" de réception d’une entreprise à l’autre ?
Pour l’heure, en effet, peu de résultats d’entreprise font apparaître de réelles inquiétudes. A l’exception d’Orange, dont le bénéfice net baissé de plus de 25%, les publications sont solides. Mais les investisseurs sanctionnent le moindre petit écart. On le voit par exemple avec LVMH, qui a de nouveau publié des résultats record, mais dont le cours de bourse a flanché mercredi en raison d’une marge opérationnelle en très léger recul (passée de 27,9% l’année dernière à la même période à 27,4%) et d’une baisse des ventes aux Etats-Unis, notamment dans le cognac. La semaine dernière, c’est Tesla qui avait été aussi sévèrement sanctionnée vu ses résultats, en perdant 7% le jour de sa publication.
Dans les deux cas, il s’agit d’entreprises dont le cours de bourse avait fortement progressé ces derniers mois, et dont les investisseurs étaient déjà passé à l’achat et ont "vendu la nouvelle" lors des publications. A mes yeux, ces baisses de cours de titres très solides traduisent principalement des prises de bénéfices sur des valeurs qui se paient aujourd’hui encore très cher.
De fait, le niveau toujours très haut des indices entretient une certaine nervosité sur les marchés. Beaucoup de gérants sont mal à l’aise, entre d’un côté, ceux qui ont raté la hausse des ces derniers mois et entendent se rattraper, et de l’autre, ceux qui au contraire ont un peu trop investi et cherchent la moindre occasion pour rectifier le tir.
Le consensus FactSet table pour le 3e trimestre 2023 sur un recul de 6% des bénéfices pour le S&P500 et sur une stagnation pour le Stoxx600 européen. Il faut reconnaître que ce n’est pas très reluisant en termes de perspectives, il est donc compréhensible que les exigences des analystes soient élevées. D’autant qu’encore une fois, si les indices baissent, cela crée des opportunités pour revenir à l’achat.
La place financière reste toujours tiraillée entre la perspective de ralentissements économiques et la bonne nouvelle que pourrait représenter un point d’inflexion dans les politiques monétaires des banques centrales. A quoi peut-on s’attendre pour la deuxième partie de l’année ?
Depuis des mois, on entend régulièrement que la récession est proche, mais pour l’instant, à part en Allemagne, entrée en récession technique, aucune inflexion de la croissance ne se dessine, ni en France, ni aux Etats-Unis. Même si le ralentissement économique est là et que les hausses de taux se poursuivent, nous arrivons à la fin du resserrement monétaire. S’il est un peu tôt pour juger de la qualité générale des publications de ce semestre, à une ou deux exceptions près, les premiers résultats connus, tant en termes de croissance de chiffre d’affaires que de bénéfices, sont par ailleurs très solides. Aucun indicateur n’augure de retournement de marché durable : il n’y a pas lieu de s’inquiéter à moyen ou long terme.
Pour un investisseur de long terme, avec une forte aversion au risque, quelle stratégie en matière d’allocation d’actifs vous semble la plus appropriée ?
Il faut distinguer deux profils : l’investisseur déjà présent sur les marchés boursiers, et celui qui n’y est pas. Pour le premier, la question à se poser est la suivante : lorsque l’on est sur des plus hauts, est-ce que l’on continue à acheter ou bien doit-on se diversifier vers d’autres classes d’actifs ? Je pense pour ma part que les actions restent un actif gagnant sur le long terme, et qu’il y a encore de la place pour que les marchés boursiers montent. Avec la baisse des matières premières notamment, il peut par exemple être opportun d’investir dans l’industrie, la grande distribution. Le compartiment de l’énergie peut également présenter de belles opportunités.
Quant aux valeurs de la tech qui ont énormément progressé avec l’intelligence artificielle, il est encore difficile de savoir quels seront les relais de croissance. Sur le marché français, peu d’acteurs ont encore investi dans ces technologies, mais certaines valeurs pourraient en tirer parti à terme, comme Capgemini ou Dassault Systèmes.
Pour les investisseurs qui ne sont pas présents sur les marchés boursiers, rentrer à ces plus hauts historiques peut paraître compliqué. La meilleure façon de se lancer sur cette classe d’actifs, qui s’est toujours positivement démarquée à très long terme, est d’adopter la stratégie du Dollar-Cost Averaging (DCA), dite aussi "d’investissement programmé". Cette technique consiste à investir tous les mois une somme identique, quel que soit l’état du marché. Simple et efficace puisqu’elle permet de lisser la volatilité et de miser sur la croissance à long terme des actions en se faisant l’économie de coups de panique des variations de cours !
