Après plusieurs années de fort succès et de hausse des prix, la forêt commence elle aussi à souffrir du contexte du marché immobilier et de la hausse des taux d’intérêt.

Diversification du patrimoine, transmission à fiscalité allégée, conscience écologique… les raisons d’investir dans les forêts sont multiples. Cet actif connaît un fort succès depuis une dizaine d’années. Avec plus de 155.000 hectares de forêts françaises vendus, il ne s’est jamais autant échangé de parcelles qu’en 2022 (+53% par rapport à 2010). Sans surprise, le prix moyen par hectare a encore augmenté l’année dernière pour atteindre 4.630 euros (+40% en douze ans).
Le chêne moins prisé
Pour autant, le marché est en train de prendre une nouvelle tournure, affecté lui aussi par la crise de l’immobilier neuf, qui utilise de plus en plus de bois, et par la hausse des taux d’intérêt. Au point que la profession commence à s’inquiéter. « Nous commençons à voir un retournement sur le marché du bois, a estimé Benoît Léchenault, directeur d’Agrifrance (BNP Paribas WM) lors d’une conférence de presse tenue le 5 octobre. Le prix du bois a baissé au deuxième semestre de 2022, car il est dépendant du marché immobilier, qui recule aux Etats-Unis et en France. La Chine réduit aussi ses importations ».
Dans la catégorie des feuillus, le chêne, le plus noble et le plus cher, voit son prix au mètre cube baisser de 6% entre juillet et décembre 2022 (293 euros/m3 en moyenne). Il évolue désormais « dans un marché à deux vitesses. Les prix ont encore grimpé pour les très belles qualités de plots et merrains [débités en planches et notamment utilisés pour les tonneaux]. En revanche, [les pièces destinées] à des usages de parquets s’essoufflent dans un contexte baissier de grande exportation ». Le prix du frêne, lui, plie aussi de 4% sur six mois. Du côté des résineux(douglas, épicéa, sapin, pin maritime), les cours chutent même de 20 à 30% en moyenne sur la même période ! Seuls le hêtre et le peuplier résistent encore.
L’impact du réchauffement climatique
Outre la baisse des besoins ou des transactions, la forêt souffre d’une autre problématique très actuelle : le réchauffement climatique. Les incendies ne sont pas les seules conséquences. « On voit apparaître de nouvelles maladies, notamment dans des régions géographiques auparavant peu atteintes, explique le spécialiste d’AgriFrance. Les essences migrent aussi. On voit ainsi éclore de nouveaux marchés, par exemple le paulownia, qui était plutôt un arbre d’ornement et qui sert aujourd’hui davantage comme bois d’œuvre [pour l’isolation notamment] »
Le prix des forêts à un point culminant ?
Dans ce contexte, il n’est pas impossible que le prix des forêts baisse lui aussi dans sa globalité. « Il y a moins de candidats à l’achat, que ce soit du côté des institutionnels (qui en font des groupements forestiers) ou des particuliers, et certaines offres sont décotées de 15 à 30% !, informe Benoît Léchenault. En 2022, il y a surtout eu des petites ventes de moins de 10 hectares ». Ces tailles de parcelles ne sont pas assez vastes pour les exploiter. Elles relèvent vraiment de l’achat plaisir pour des particuliers, comme en Sologne, par exemple, où les forêts sont acquises pour la pêche et la chasse.
Même pour des surfaces plus grandes, « cet actif rapporte à peine 1% de rendement… », tempère Benoît Léchenault. La forêt est surtout un investissement de conviction. Ceux qui veulent verdir leurs actifs ont donc tout intérêt à s’y intéresser et à profiter des prix en baisse, la forêt étant un placement de très long terme.
