Gros coup de mou pour la collecte des produits d'assurance vie au mois de mai, négative de plus d'1,5 milliard d'euros.

Dévoilés ce vendredi 30 juin par France Assureurs, les chiffres de la collecte de l'assurance vie au mois de mai font grise mine. Première depuis huit mois, cette collecte est ressortie négative, à plus d'1,5 milliard d'euros, et à un niveau inédit depuis la crise sanitaire en mai 2020.
Dans le détail, les cotisations en assurance vie enregistrent une baisse de 13% par rapport au mois de mai 2022 pour s’établir à 10,1 milliards d’euros. Elles baissent de -0,5 milliard d’euros pour le compartiment en euros et de -1 milliard d’euros pour celui en unités de compte (UC).
En parallèle, les prestations s’établissent à 11,7 milliards d’euros en mai 2023, en progression de +1,8 milliard d’euros par rapport à mai 2022. Cette hausse concerne à la fois les supports en euros (+1,3 milliard d’euros) et les supports en UC (+0,5 milliard d’euros).
Sur les cinq premiers mois de l’année, la collecte nette n’est plus que de 2,7 milliards d’euros loin de celle du Livret A (24,5 milliards d’euros), et en net repli par rapport à celle de 2022 (11,7 milliards d’euros). Elle reste principalement pénalisée par les sorties sur les fonds euros (-3,3 milliards d’euros en net), la collecte nette des unités de compte demeurant positive (+1,7 milliard d’euros).
Des réseaux de distribution au ralenti
Selon France Assureurs, la baisse du mois dernier s’explique principalement par deux jours ouvrés de moins cette année au mois de mai pour les réseaux de distribution, soit un écart de 10% par rapport à mai 2022. Mais l'attrait de l'épargne réglementée, qui demeure très dynamique depuis plus d'un an avec les hausses successives de leur taux d'intérêt, ont pu aussi créer un appel d'air, reconnaît cependant Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs.
La très bonne tenue du Livret A, ce même-mois, pourrait tendre à balayer l'argument de la période de ponts. Mais Franck Le Vallois souligne que la commercialisation des deux produits repose sur des mécanismes différents : la plupart des Français disposent déjà d'un Livret d'épargne réglementé, qu'il est possible d'abonder très simplement, sans l'intervention de son conseiller bancaire ou patrimonial, contrairement à l'assurance-vie, un support d'épargne moins liquide, et un peu plus complexe, dont l'allocation découle le plus souvent d'un échange avec un professionnel - de fait rendu moins disponible durant ce mois de mai ponctué de plusieurs jours fériés.
Livret A
L'explication de ce ralentissement très net tient sans doute autant de la concurrence du Livret A que de cette période printanière au ralenti du côté des réseaux de commercialisation. Elle trouve aussi probablement sa source dans le contexte de remontée des taux emprunts, qui ont impacté significativement le pouvoir d'achat immobilier des acheteurs, contraints de mobiliser des apports plus importants en allant puiser dans leurs contrats d'assurance-vie. Clairement, la disponibilité des conseillers a dû jouer sur cette décollecte, mais sans doute moins que ce qu'argue France Assureurs.
Les professionnels ont beau répéter - à raison d'ailleurs - que les deux produits d'épargne répondent à des logiques très différentes (épargne de précaution populaire pour l'un, support de long terme défiscalisant pour l'autre), la concurrence du Livret A face aux fonds en euros est indéniable et réelle.
Pour l'économiste Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, en cette période de fortes incertitudes, l'assurance vie est surtout victime de l'engouement des ménages pour l'épargne de précaution.
« Ce produit dont l’encours est près de cinq fois inférieur à celui de l’assurance vie et qui est plafonné par titulaire à 22 950 euros réussit le tour de force d’avoir une collecte neuf fois supérieure », souligne-t-il.
Mais cette concurrence de l'épargne de précaution vise principalement les "nouveaux" épargnants : ceux qui n'ont pas encore ouvert de contrat d'assurance vie, et disposent d'une épargne "dormante" sur leurs comptes courants, sont plus disposés dans les conditions actuelles du marché, à alimenter leurs livrets sans frais et défiscalisés qu'à franchir le pas d'un investissement forcément plus coûteux, et dont le taux du fonds en euros peine à dépasser les 3% du Livret A.
De nombreuses opérations promotionnelles de taux majorés sur les fonds en euros ont d'ailleurs fait leur apparition depuis quelques semaines pour contrer cette concurrence qui ne dit pas son nom.
Celle-ci devrait rester importante au moins jusqu'à la fin de l'année alors que le taux d'intérêt de l'épargne réglementée devrait être à nouveau revalorisé à partir du 1er août prochain. L'accalmie de la hausse des prix qui se dessine sera sans doute plus favorable à l'assurance-vie en 2024.
le per ne connaît pas la crise
Pas d'effet "pont" en revanche pour le PER, qui continue de progresser en mai, avec une collecte nette de 484 M€ (+97 M€ vs. 05/22) et plus de 70.000 nouveaux contrats, portant le total à 4,8 millions.
"Le Plan d’épargne retraite, avec son avantage fiscal à l’entrée, sa sortie en capital et la possibilité de s’en servir avant même l’âge de la retraite pour acquérir sa résidence principale en fait un concurrent de plus en plus marqué de l’assurance vie", considère Philippe Crevel, du Cercle de l'Epargne.
