Sébastien Korchia, Directeur des Investissements chez Cogefi Gestion

Sébastien Korchia Directeur des Investissements chez Cogefi Gestion

Les valorisations relatives des petites capitalisations rentrent dans des zones historiques, propices à des achats
Sébastien Korchia, Directeur des Investissements chez Cogefi Gestion

Boursier.com : Face au ralentissement de l'économie, à la hausse des taux et aux tensions géopolitique, le Cac40 monte de 10% depuis le début de l'année. Comment l'expliquez-vous ?

S.K. : L'indice vedette de la Bourse de Paris n'est pas forcément un indicateur très pertinent. Sa hausse repose sur un nombre limité de sociétés... La situation est identique aux Etats-Unis où la performance de quelques valeurs explique l'essentiel de la progression du SP500. Si chaque valeur du SP500 avait le même poids, cet indice serait quasiment stable depuis un an... Ces grands indices ne sont pas toujours le meilleur baromètre de l'état de santé d'une économie. L'observation des indices de plus petites capitalisations, en Europe comme aux Etats-Unis (Russell 2000) nous envoient d'ailleurs un signal différent.

Boursier.com : La gestion passive est-elle en cause ?

S.K. : Les flux se concentrent sur quelques titres ce qui génère une forme de distorsion. La gestion passive explique sans-doute une partie de ce phénomène... Via les ETF, les capitaux se déplacent rapidement avec de fréquents arbitrages. Hier, l'environnement était la thématique incontournable, aujourd'hui, c'est l'Intelligence Artificielle. Tous ces mouvements se réalisent sans beaucoup de discernement. On met de côté la valorisation des sociétés concernées au profit d'annonces liées à de futures innovations...

Boursier.com : Cela rappelle de vieux souvenirs...

S.K. : Durant la nouvelle économie en 1999-2000, des titres comme France Telecom et Vivendi sont montés en flèche. Cette période a correspondu d'ailleurs à l'arrivée des ETF... Aujourd'hui, l'IA implique de coûteux projets en matière d'investissement et une monétisation et donc des revenus à terme encore assez flous... Comme à chaque fois, les valorisations initiales s'envolent et tombent dans l'exubérance au regard de l'aspect révolution industrielle pour plus tard revenir à des multiples qui correspondent à une réalité industrielle et économique. Parfois, et plus tard, arrivent les désillusions du fait de l'introduction de couches réglementaires, de problématiques de besoins et de taux financement.

Boursier.com : Que peut-on attendre des taux d'intérêt ?

S.K. : Les banques centrales sont entrées dans une phase de pause. La FED et la BCE cherchent maintenant à évaluer les effets de leur politique monétaire sur le terrain avec de premiers effets déjà visibles sur l'immobilier en Europe par exemple mais aussi de nombreuses entreprises indiquent avoir moins de visibilité pour 2024.... De fait, les banquiers centraux craignent ainsi de faire " la hausse de trop ". Aujourd'hui, les banques centrales regardent la notion de " conditions financières " c'est-à-dire l'impact cumulé de la hausse des taux courts, de celle des taux longs et de la réduction de leurs bilans. Elles accepteront de faire une pause prolongée voire définitive dans le resserrement de leurs politiques monétaires qu'à la condition que les taux longs restent un certain moment à des niveaux élevés afin d'aider à la poursuite du combat contre l'inflation. Rajoutons que courant 2024 la FED sera contrainte dans son action sur les taux courts à cause des élections présidentielles dans laquelle habituellement elle montre son indépendance en n'agissant pas sur les taux.

Boursier.com : Quelle allocation d'actifs préconisez-vous ?

S.K. : Si l'on croit que les banques centrales veulent stabiliser les conditions financières, on peut penser que les taux courts vont rester stables et haut au moins jusqu'en mi-2024 ; Dès lors, le monétaire, les obligations courts terme (1-3 ans) à travers les fonds datés sont une bonne alternative (cf TINA There's a NEW Alternative) aux marchés d'actions qui peinent à trouver une tendance depuis plusieurs mois maintenant. En revanche, nous sommes davantage réservés à l'égard des taux longs qui devraient connaitre un regain de volatilité dans une large bande de fluctuation. Pour ce qui est des actions, on effectuera des achats tactiques si ces taux redeviennent trop élevés et on prendra ensuite des bénéfices à partir du moment où la tension sur les taux s'atténuera car les banquiers centraux n'accepteront pas une détente trop prononcée. Une marque d'intérêt contrariante est à porter aux petites capitalisations pour 2024 alors que leurs valorisations relatives par rapport aux grandes capitalisations rentrent dans des zones historiques propices à des achats.

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