La réunion de la BCE la plus indécise de l'histoire ?

La réunion de la BCE la plus indécise de l'histoire ?

Choix cornélien pour l'Institution européenne...

La réunion de la BCE la plus indécise de l'histoire ?
Crédit photo © iStock

(Boursier.com) — 50 /50. L'issue de la prochaine réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne est la plus indécise depuis de très longues années. Peut-être même de son histoire. L'incertitude est telle que les membres de l'Institution, eux-mêmes, n'ont aucune idée de la décision qui sera prise jeudi, affirment des personnes proches du dossier citées par 'Bloomberg'. Les participants à la réunion s'attendent à " une confrontation intellectuelle " où les deux côtés auront des munitions à apporter au débat, notamment des signaux contradictoires dans les dernières données économiques et les nouvelles projections de la BCE.

Du côté des faucons, soit les membres favorables à un nouveau tour de vis, on mettra en avant des indicateurs d'inflation globale et sous-jacente toujours bloqués au-dessus de 5%, et des prix du pétrole et du gaz à nouveau sous tension, augmentant le risque de nouvelles pressions inflationnistes. Chez les colombes, soit les membres en faveur d'une pause dans le resserrement monétaire, la multiplication des indices montrant un ralentissement de l'économie de la zone euro sera mise en avant. D'autant que l'Allemagne, habituellement le moteur de la région, est le pays le plus touché par cet affaiblissement.

Les marchés reflètent largement ce sentiment d'incertitude, donnant une probabilité de 45% à une nouvelle hausse des taux de 25 points de base. Un chiffre en hausse par rapport aux 30% observés il y a une semaine, avant que le gouverneur néerlandais Klaas Knot déclare à 'Bloomberg' que les investisseurs sous-estimaient " peut-être " la probabilité d'une augmentation des coûts d'emprunt.

Lors de la dernière réunion en juillet, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a laissé toute les options ouvertes... En cas de dixième hausse des taux consécutive, le taux de dépôt atteindrait 4%, au plus haut depuis la création de la BCE en 1999.

"Officiellement, nous nous attendons à ce que la BCE ne bouge pas jusqu'à la fin de l'année, mais à l'heure actuelle, c'est presque du pile ou face", observe Jennifer Lee, économiste chez BMO Capital Markets. "Les arguments plaidant pour une pause en septembre seront encore plus convaincants en octobre, car les données économiques vont probablement se dégrader et l'inflation en septembre baisser considérablement", déclare Reinhard Cluse, économiste européen en chef d'UBS, qui s'attend à une augmentation de 25 points de base.

"La BCE n'a donné aucune indication sur une nouvelle hausse de taux cette semaine, car elle est passée à une approche basée sur les données économiques. Depuis sa dernière réunion, la BCE a obtenu davantage d'informations sur 2 sujets clés. Concernant l'économie d'abord : les indicateurs avancés ont annoncé une récession industrielle s'étendant au secteur des services, ce qui implique que la zone euro ne connaît plus une simple récession technique mais une récession généralisée. Cela signifie que la BCE a réussi à freiner la demande, ce qui atténuera sûrement les pressions inflationnistes. De plus, deux autres chiffres de l'inflation ont été publiés : Christine Lagarde a déjà reconnu que l'inflation reculait, ce que nous avons remarqué, notamment sur l'inflation sous-jacente car ses données sur les 4 derniers mois représentent une progression annualisée inférieure à 3%, bien en dessous de la dernière augmentation de +5,3% en glissement annuel. Par ailleurs, compte tenu du décalage de l'impact des précédentes hausses de taux de la BCE, nous nous attendons à ce qu'elle adopte une position attentiste et fasse une pause dans ses hausses de taux", indique de son côté Patrick Barbe, Head of European Investment Grade Fixed Income chez Neuberger Berman.

"Dans un environnement de nature 'stagflationnist' en zone Euro, le risque pour la BCE réside plus sur le front de l'inflation que sur celui de la croissance - le mandat principal de la BCE étant officiellement centré sur la stabilité des prix. Aussi, l'institution de Francfort devra à tout prix éviter que les opérateurs de marché ne se précipitent à anticiper un possible assouplissement monétaire à venir qui viendrait nourrir les anticipations d'inflation - d'autant que ces dernières sont remontées depuis juillet et que la hausse des prix du pétrole ne devrait pas aider du fait de sa transmission élevée à l'inflation. Ainsi nous nous attendons à ce que la BCE maintienne une position ferme vis-à-vis de l'inflation et procède à un dernier tour de vis, remontant les taux d'intérêt de 0,25 % portant les taux de la facilité de dépôt (son principal taux directeur) à 4 %. La réduction du bilan devrait également arriver plus rapidement qu'attendu, avec notamment un ralentissement des réinvestissements du programme PEPP qui pourrait être annoncé d'ici la fin d'année", explique Kevin Thozet, membre du comité d'investissement de Carmignac.

"La BCE devrait relever une dernière fois ses taux directeurs cette semaine pour les porter à 4%, mais le vote des gouverneurs s'annonce serré. Depuis le début du cycle de resserrement en cours, la BCE a fait valoir que le risque de sous-réagir était plus élevé que le risque d'en faire trop. Ce principe devrait rester d'actualité lors de la réunion de jeudi. Mais si la BCE de relève pas ses taux cette semaine, la probabilité qu'elle le fasse ultérieurement devrait diminuer dans les mois à venir ", affirme César Perez Ruiz, Responsable des investissements et CIO chez Pictet Wealth Management.

Enfin, pour Gilles Moëc, chef économiste chez AXA IM, "la principale raison pour laquelle il voit toujours une probabilité légèrement plus élevée d'une hausse de 25 points de base plutôt qu'un statu quo est de nature tactique. Même si le maintien des taux directeurs à leur niveau actuel en septembre pourrait encore être présenté comme un simple " saut ", avec un biais de resserrement maintenu, offrant des chances à la Banque centrale de réagir plus tard si les pressions inflationnistes étaient effectivement trop tenaces dans les mois à venir, en réalité les faucons auraient probablement l'impression que ne pas bouger ce mois-ci réduirait sérieusement les chances d'une nouvelle hausse de taux à l'avenir".

"En effet, il est fort probable que les flux de données sur l'économie réelle se détériorent encore davantage, tandis que les effets de base devraient faire baisser l'inflation de manière plus décisive : une telle décélération ne signifierait pas nécessairement que la banque centrale a resserré 'suffisamment'. Cela ne sera vérifié que si et quand l'inflation reviendra à 2%. Mais un resserrement plus poussé dans un contexte de données faibles - et peut-être 'hard' - pointant vers une récession, alors que l'inflation baisse, même si son rythme reste nettement supérieur à l'objectif, serait très difficile à négocier et à communiquer... Nous nous attendons donc à ce que les faucons fassent 'tapis' pour tenter de gagner le rendez-vous de cette semaine, mais nous acceptons pleinement que les arguments politiques sont inconstants par nature".

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