Christophe Barraud, Chef Economiste et Stratégiste chez Market Securities

Christophe Barraud Chef Economiste et Stratégiste chez Market Securities

On risque d'assister à un retour de la volatilité sur les marchés financiers durant le mois de mars
Christophe Barraud, Chef Economiste et Stratégiste chez Market Securities

Boursier.com : Donald Trump a fait beaucoup de promesses, en particulier en termes de fiscalité et de relance... N'y-t-il pas un risque de retour à la réalité sur les marchés ?

C.B : Le mois de mars va être extrêmement chargé... Le coup d'envoi a été donné par le discours de Donald Trump devant le Congrès américain cette nuit... Il a confirmé les grandes lignes de son projet qui passe par des dépenses d'infrastructures et par la réduction de la pression fiscale sur les ménages et les entreprises. Mais ces promesses restent intimement liées à la réforme de l'assurance maladie, or il y a beaucoup de tensions à ce propos au sein même des Républicains, entre ceux qui veulent abolir purement et simplement l'ObamaCare, et ceux qui veulent seulement l'aménager. Il va y avoir un compromis à trouver et des paramètres à bouger... Il faudra ensuite financer l'édifice. Aujourd'hui la principale source de financement est la fameuse " border taxe " chère à Donald Trump sur les importations. Ici aussi, le curseur est loin d'être figé, certains estimant même que l'on finira avec des relèvements de taxes plus classiques comme celle sur l'acier chinois, sans vraiment aller beaucoup plus loin... C'est une grosse incertitude. J'ai quand même peur qu'au fil des annonces, les marchés soient déçus par l'ampleur des initiatives dans la mesure où les anticipations des investisseurs sont déjà très généreuses...

Boursier.com : Cela signifie que l'adoption du budget US risque d'entraîner des débats très tendus au Congrès...

C.B. : Effectivement. La première version du budget doit tomber mi-mars, entre le 13 et le 15 mars. Elle devra être débattue et votée... Sa validation pourrait arriver avant les vacances d'été ou au pire à la rentrée de septembre, sachant que le début de l'année fiscale est fixé au 1er octobre... Je pense que les marchés ont été très complaisants en la matière... J'ai un peu peur d'une certaine déception, d'autant qu'il y a une autre échéance, le 16 mars, avec le vote pour le relèvement du plafond de la dette US qui revient régulièrement. Sur le papier, les Républicains disposent de la majorité à la chambre, mais certains d'entre eux estiment que les projets de Trump risquent de creuser les déficits, et ces derniers pourraient donc avoir la volonté de resserrer les boulons... D'où certaines frictions à anticiper...

Boursier.com : En termes monétaires, les banques centrales restent aussi en embuscade...

C.B. : Plusieurs échéances sont aussi à signaler en mars d'un point de vue monétaire, à commencer par la réunion de la BCE, le 9 mars, même si ce rendez-vous n'est pas le plus risqué à mon sens... Ma conviction est que la banque centrale européenne va rester sur la même approche " ultra accommodante " malgré le petit rebond récent de l'inflation qui est principalement dû à la hausse des prix des carburants. En revanche, la Fed est aussi attendue mi-mars, le 15/3, et là, la probabilité d'un relèvement des taux américains est désormais supérieure à 50%. Si on assiste un rapport solide de l'emploi US la semaine prochaine pour le mois de février (publication prévue le 10/3), les anticipations de hausse des taux pourraient s'envoler... D'où un risque supplémentaire pour les marchés à ne pas négliger...

Boursier.com : Que pensez-vous du risque politique en Europe ?

C.B. : En Europe auront d'abord lieu les élections législatives au Pays-Bas le 15 mars prochain... Le parti d'extrême droite néerlandais est donné en tête ou quasiment en tête dans tous les sondages. S'il y a une percée, on pourrait assister à un effet ricochet favorable au FN en France... Il reste ici un risque non "pricé". Pour le moment, la remontée d'Emmanuel Macron dans les sondages a quelque peu calmé le jeu sur les taux longs, mais cela demeure précaire car les marchés vont continuer de réagir au gré des sondages... Il faut se méfier de ces réactions épidermiques, sachant qu'il reste encore beaucoup de temps avant la Présidentielle, avec des rendez-vous importants comme le débat télévisé du 20 mars prochain... Or, on sait que Marine Le Pen est généralement très à l'aise dans ce genre d'exercice. En revanche, l'attitude d'Emmanuel Macron est moins prévisible. Cela pourrait remettre un peu de tension en Bourse...

Boursier.com : D'autres événements internationaux sont aussi au menu de ce mois de mars...

C.B : Oui. L'article 50 pour le Brexit doit être déclenché outre-Manche entre le 7/8 mars et la fin du mois, sans oublier le Congrès du parti communiste chinois de dimanche qui est censé tracer les grandes lignes directrices économiques et financières du pays...

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