Télécoms : pourquoi les "grandes manoeuvres" vont se poursuivre
Les milliards d'euros demandés par le développement de la 5G sont à l'origine de la multiplication des opérations financières de très grande envergure...

(Boursier.com) — Le développement de la 5G nécessite des investissements qui se chiffrent en milliards d'euros en termes financiers... Afin de mobiliser des ressources nouvelles, les opérateurs télécoms n'hésitent donc plus à céder ce qui a longtemps été leur "raison d'être", à savoir les infrastructures réseaux fixes et mobiles ! Tout droit venu des Etats-Unis, ce mouvement d'externalisation, qui consiste pour un opérateur à vendre ses infrastructures comme les pylônes à des fonds ou à des sociétés spécialisées pour en devenir ensuite locataire, s'est répandu à travers l'Europe ces derniers mois... Selon AlphaValue, la moitié des 450.000 tours située en Europe occidentale a ainsi déjà été vendue !
Parmi les opérations les plus récentes, Deutsche Telekom a cédé une participation majoritaire dans ses tours GD Towers à Brookfield Asset Management Inc et DigitalBridge Group Inc dans le cadre d'un accord qui a valorisé l'entreprise à 17,5 Milliards d'euros, ce qui constitue l'un des plus gros "deal" d'infrastructure numérique conclu en 2022. Le produit de la cession sera utilisé pour réduire l'endettement de la société de télécommunications allemande et financer son plan visant à augmenter sa participation dans T-Mobile US.
L'acheteur DigitalBridge gère près de 47 Milliards de dollars d'actifs uniquement axés sur les infrastructures numériques, telles que les tours sans fil, les centres de données, les réseaux de fibre et les infrastructures de périphérie. Cette transaction reste soumise aux approbations réglementaires habituelles et sa clôture est prévue fin 2022, a encore précisé le groupe Deutsche Telekom.
Question de rendement
Globalement, les investisseurs institutionnels et les fonds entrevoient dans le rachat de ces tours des rendements financiers réguliers à long terme : l'Américain KKR a ainsi levé 17 Milliards de dollars pour son dernier fonds d'infrastructure mondial cette année, tandis que Global Infrastructure Partners vise une enveloppe de 25 Milliards de dollars pour ce qui serait le plus grand pool de capitaux au monde dédié aux investissements dans les infrastructures...
Pas plus tard qu'en novembre dernier, le géant britannique des télécoms Vodafone a cédé la moitié de ses parts dans sa filiale de tours télécoms aux fonds GIP et KKR. L'opération rapportera au minimum 3 milliards d'euros à Vodafone dans un premier temps. Vantage Towers regroupe les 83.000 tours de l'opérateur dans 10 pays d'Europe. Vodafone va vendre pour commencer une petite partie des 82% du capital qu'il détient encore dans Vantage. Une opération qui valorise le dossier plus de 16 milliards d'euros...
La coentreprise lancera ensuite une offre publique d'achat sur les actions en circulation dans le cadre de ce qui pourrait être la plus grande opération de privatisation d'une société allemande jamais enregistrée. Le consortium KKR/GIP pourra détenir à terme jusqu'à 50% de la JV.
Rappelons que Vodafone avait introduit Vantage en bourse à 24 euros par action en mars 2021... "Cette transaction répond avec succès aux objectifs déclarés de Vodafone de conserver le co-contrôle sur un actif stratégiquement important, en déconsolidant Vantage Towers de notre bilan pour nous assurer que nous pouvons optimiser sa structure de capital et générer un produit en espèces initial substantiel", a expliqué Nick Read, directeur général de Vodafone.
Pour KKR et GIP, l'opération intervient quelques mois seulement après l'échec de leur offre d'achat d'une participation majoritaire dans l'activité pylônes de Deutsche Telekom AG, qui a donc finalement été vendue à Brookfield Asset Management et DigitalBridge Group.
Si l'offre est validée par les autorités réglementaires d'ici l'été 2023, la manoeuvre pourrait alors rapporter entre 5,8 milliards et 7,1 milliards d'euros à Vodafone. Et si la joint-venture n'arrive pas à convaincre la totalité des actionnaires minoritaires, un "squeeze-out" et une sortie de la Bourse pourrait alors se profiler à l'horizon...
Rappelons qu'en mars 2021, Vodafone avait signé la plus grosse "IPO" de l'année en Europe en inscrivant Vantage à la bourse de Francfort.
En attendant, Vodafone va donc pouvoir déconsolider Vantage Towers de ses comptes, et récupérer du cash pour réduire sa dette... tout en se concentrant sur la conquête de nouveaux clients, en accélérant le développement d'autres technologies comme la 5G ou la fibre...
Par ailleurs, Vodafone doit aussi rassurer ses grands actionnaires, en particulier le fonds activiste Cevian, et depuis septembre dernier, Xavier Niel, le patron de Free (Iliad). Le groupe iliad avait auparavant pris acte du rejet par Vodafone de son offre de 11,25 milliards d'euros sur Vodafone Italie. Selon le groupe télécom tricolore, "cette offre avait le mérite de refléter une prime très élevée pour Vodafone Italie, d'être une offre 100% en numéraire, de répondre à la volonté de consolidation de la direction de Vodafone en Italie, et d'être dans le meilleur intérêt des actionnaires de Vodafone"... ce qui faisait beaucoup ! iliad Italia poursuivra en attendant sa stratégie de "stand-alone" forte de plus de 8,5 millions d'abonnés mobiles en 3,5 ans.
Faute de vendre ses intérêts italiens, Vodafone a cédé sa filiale hongroise pour la somme de 1,8 milliard d'euros l'été dernier...
La liste s'allonge à travers le monde...
D'autres opérateurs et non des moindres ont préféré ces dernières années se délester de tout ou partie de leur filiale "tours" directement à des fonds. C'est le cas de SFR, qui en 2018 a créé Hivory et en vendu la moitié au même KKR. Orange de son côté a regroupé ses tours françaises et espagnoles dans Totem, tout en conservant 100% du capital...
Le phénomène venu des Etats-Unis, qui continue donc de se propager en Europe, n'épargne pas l'Amérique latine non plus : le géant mexicain des télécommunications America Movil a déclaré dernièrement qu'il avait achevé la scission prévue de son activité de tours cellulaires, créant une société appelée Sitios Latinoamerica. La nouvelle société, contrôlée par la famille du milliardaire Carlos Slim, dispose d'un inventaire de 29.090 tours, dont 39% sont situées au Brésil et le reste entre l'Argentine, le Chili, le Costa Rica, l'Équateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Porto Rico et l'Uruguay.
Le "spin-off" a été approuvé en septembre dernier par les actionnaires d'America Movil. Les actionnaires existants d'America Movil recevront une action Sitios Latam pour 20 actions America Movil détenues. Sitios Latam continuera "d'évaluer les opportunités de croissance dans la région"...
La France en ébullition
En France, depuis trois ans, les montants investis par les opérateurs ont décollé pour atteindre un niveau record, soit 14,3 Milliards d'euros, selon les chiffres délivrés par l'Arcep en 2020, le "gendarme du secteur" ! 2,8 Milliards d'euros proviennent de l'achat de fréquences dans la bande 3,4 - 3,8 GHz, attribuée pour le déploiement des réseaux 5G, soit environ 20% du montant total d'investissements !
Hors achats de fréquences mobiles, 11,5 Milliards d'euros ont été dépensés, représentant un accroissement de 860 Millions d'euros en un an (soit +8,1% en un an), une progression près de deux fois supérieure à celle des deux années précédentes...
Le grand tournant de la crise sanitaire
L'Arcep a noté que la crise sanitaire qui s'est propagée à partir du début 2020 et les différentes périodes de restrictions qui ont été mises en place ont bouleversé de façon exceptionnelle les usages sur les réseaux fixes et mobiles, notamment la consommation vocale et de datas sur fond d'explosion du télétravail... Avec 259 milliards de minutes en 2020, elle a progressé fortement dès le début de la crise sanitaire (+15% sur l'ensemble de l'année 2020), alors qu'elle n'augmentait plus depuis 2014. Sa croissance a même atteint un niveau record durant le premier confinement, jamais égalé en 20 ans : +28% en un an au deuxième trimestre 2020. Par la suite, la croissance de ces usages est restée élevée, en particulier lors du deuxième confinement au quatrième trimestre 2020 (+10%).
En termes de consommation moyenne, les détenteurs de forfaits ont téléphoné plus de 4h par mois depuis leur terminal mobile en 2020, première année de la crise sanitaire (+14,1% en un an), soit +31 minutes en un an, avec un niveau record durant le deuxième trimestre 2020 (+1 heure). Un phénomène qui s'est encore accentué en 2021 et au début de 2022...
En 2022, le marché des forfaits mobiles a battu des records avec un total de 82,5 millions de cartes SIM en circulation, soit une hausse de 2,4 millions sur un an, dont 9 cartes sur 10 étaient des forfaits (70 millions).
Sur les réseaux fixes, l'effet de la crise sanitaire a été encore plus marqué depuis les box internet : la consommation vocale moyenne des abonnés qui diminuait depuis six ans, et jusqu'à -40 minutes environ en 2013 et 2014, a augmenté à nouveau à partir de 2020 de 11 minutes en moyenne en un an par abonnement...
Autant dire que dans ce contexte de développement rapide du trafic et de révolution technologique avec l'expansion de la 5G, la partie de Monopoly mondiale n'est pas prêt de s'interrompre dans le secteur : En France, parmi les rumeurs récurrentes, le rachat de Bouygues Telecom par SFR revient régulièrement sur le tapis après un tentative de rapprochement manquée en 2015...
Patrick Drahi, le milliardaire déjà propriétaire de SFR, pourrait revenir à la charge et mettre dit-on jusqu'à 10 milliards d'euros sur la table pour emporter la mise... Une rumeur à prendre avec des pincettes selon les analystes qui estiment qu'il y a encore loin de la fiction à la réalité, même si nombre d'entre eux sont convaincus que la France finira par repasser de 4 à 3 opérateurs dans les prochaines années, concentration oblige...
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