Fin des voitures thermiques : l'objectif de 2035 est-il trop ambitieux ?
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Des experts soulignent que le délai de 13 ans prévu pour interdire les véhicules à moteur thermique paraît trop court, compte-tenu du prix élevé des véhicules, du manque de bornes de recharge et des besoins accrus en électricité...

(Boursier.com) — L 'adoption par le Parlement européen, du projet d'interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique à partir du 1er janvier 2035 dans l'Union européenne a entraîné de nombreuses réactions dubitatives quant à la pertinence d'un tel objectif...
Concrètement, le texte voté mercredi dernier (qui doit encore être mis en oeuvre dans les 27 pays membres de l'UE) prévoit que dans moins de treize ans, seules les voitures particulières et camionnettes électriques seront autorisées à la vente à l'état neuf. Les voitures thermiques neuves seront donc interdites à la vente, mais aussi les véhicules hybrides et hybrides rechargeables, car ils sont équipés d'un moteur thermique.
A noter que les véhicules thermiques déjà en circulation pourront toujours rouler au-delà de 2035 (sauf dans certaines communes qui comptent les bannir). Le marché de l'occasion n'est pas non plus concerné par cette mesure d'interdiction...
Ces principes étant posés, de nombreux experts soulignent que le délai prévu de 13 ans paraît trop court, que ce soit pour les constructeurs, qui ont déjà commencé à investir des dizaines de milliards d'euros pour électrifier leur production, ou pour les consommateurs, confrontés à de nombreux obstacles financiers et pratiques.
"Un grand saut dans le vide, et un sabordage industriel"
En premier lieu, le prix élevé des véhicules électriques (40% à 50% supérieur en moyenne à un véhicule thermique) devrait décourager bon nombre d'acheteurs. Certes, les prix devraient progressivement baisser avec la massification du marché, mais le délai prévu paraît court, d'autant que la période actuelle est marquée par une flambée des cours des matières premières.
Ainsi Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), le syndicat des constructeurs automobiles, a vivement réagi jeudi, en estimant que "l'interdiction du thermique, c'est un grand saut dans le vide, et un sabordage industriel". Invité de la chaîne 'BFM Business', il a déclaré : "je ne sais pas si nous aurons les clients pour ces voitures électriques qui coûtent 50% plus cher que les thermiques. On a déjà du mal à vendre des voitures aujourd'hui. D'autant plus que depuis le début de la guerre en Ukraine, les coûts ont augmenté de 26% sur un véhicule électrique. Cette hausse n'a pas encore été répercutée", a-t-il prévenu...
Plan européen pour équiper en bornes de recharge les grandes routes de l'UE
Le deuxième défi réside dans l'installation d'un réseau de bornes de recharge suffisamment dense et efficace (bornes à haute puissance pour une recharge rapide) pour inciter les automobilistes à se lancer. Début juin, les ministres des Transports de l'Union européenne, réunis à Luxembourg, sont parvenus à un accord pour obliger les gouvernements des 27 Etats membres à accélérer le déploiement de bornes de recharge de véhicules électriques sur le réseau routier rapide de l'UE.
L'objectif de ce plan, qui s'inscrit dans le cadre du paquet climat "Fit for 55" est ainsi d'implanter une station publique de recharge tous les 60 kilomètres sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) d'ici à 2025 (avec au moins une borne ultrarapide, de puissance supérieure à 150 kW).
Sur les routes de France, fin avril, il y avait 60.000 points publics de recharge, selon l'Avere France, l'association nationale pour le développement de la mobilité électrique. C'est 40% de moins que ce qu'avait promis Emmanuel Macron lors de son premier quinquennat (100.000). Luc Chatel a estimé jeudi qu'il faudrait un parc d'un million de bornes en France pour tenir les objectifs affichés par le projet européen.
Le défi de la hausse de la production électrique
Autre sujet problématique : comment fournir de l'électricité en quantité suffisante pour alimenter un vaste parc de véhicules électriques dès 2035 ? En France, le gouvernement a prévu de développer l'éolien en mer et de construire jusqu'à 14 nouveaux réacteurs nucléaires EPR d'ici à 2050, mais les premiers ne seront pas en service avant 2035 (si aucun retard n'est constaté, ce qui est rare sur ce type de chantier).
Emmanuel Macron a dévoilé en février un plan en "plusieurs paliers"" : "nous visons un début de chantier en 2028 pour une entrée en service du premier réacteur en 2035", avait indiqué le président, qui souhaite également prolonger tous les réacteurs qui peuvent l'être avec sûreté (au-delà des 50 ans actuels).
La voiture électrique moins polluante, vraiment ?
La dernière incertitude qui plane sur le passage au tout électrique est celle du bilan carbone de l'ensemble du cycle de ces véhicules... Si les véhicules électriques polluent moins que les véhicules thermiques lors de leur utilisation, leur production, notamment celle des batteries, nécessite l'extraction minière de nombreux minerais (lithium, cobalt, nickel, manganèse...), un processus extrêmement polluant et destructeur pour l'environnement.
La réglementation européenne exige un taux de recyclage de 50% minimum pour les batteries automobiles, ce qui suppose la montée en puissance rapide d'une industrie européenne du recyclage qui n'en est qu'à ses débuts. Enfin, si l'électricité nécessaire aux automobiles est produite à l'aide d'énergies fossiles comme le pétrole, le gaz ou le charbon, le bilan carbone global en sera dégradé.