
Marc Delcourt Directeur Général de Global Bioenergies
“Nous avons une proposition technologique unique
Boursier.com : Quels marchés ciblez-vous suite à l'annonce de vos nouvelles ambitions industrielles ?
M.D. : La raison d'être de Global Bioenergies est de limiter les émissions de CO2 dans le but de lutter contre le réchauffement climatique... Notre procédé, permet de convertir les ressources végétales en une des molécules centrales de la pétrochimie, l'isobutène, puis en ses dérivés positionnés dans différents marchés. Il permettra de substituer un grand pan de la pétrochimie, et est associé à un meilleur bilan environnemental. Mais pour compter dans la transition environnementale, il faut faire de grands volumes : Il se trouve que nous avons un marché dans le domaine de la cosmétique en dizaines de milliers de tonnes, sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années avec l'Oréal. L'Oréal est le premier actionnaire de Global Bioenergies et est aussi notre premier client : nous venons de lui livrer des premiers volumes. Ce marché de la cosmétique nous servira de tremplin vers le marché bien plus vaste des carburants d'aviation durables... Nous venons de recevoir la certification ASTM, qui est le passeport pour les carburants d'aviation au niveau international. Le monde de l'aérien commence à s'intéresser à notre technologie, et notre but est maintenant d'accélérer vers la production de grands volumes pour servir ces marchés.
Boursier.com : Pourquoi sauter une étape dans le développement industriel initialement prévu et ambitionner un dimensionnement d'usine plus important ?
M.D. : Historiquement, Global Bioenergies a mené une stratégie industrielle prudente et progressive, en construisant des unités industrielles de taille croissante... L'étape suivante de notre projet industriel devait être la construction à horizon 2026 d'une usine d'une capacité de production de 2.000 tonnes d'isobutène par an, exclusivement sur le marché de la cosmétique. Ce projet d'usine n'était pas évolutif, et était trop petit pour espérer devenir compétitif un jour sur le marché des carburants d'aviation durables. Il se trouve que le marché des carburants d'aviation durables est maintenant bouillonnant : plusieurs projets de grande taille ont été annoncés en France. De nombreux autres en Europe et aux Etats-Unis. Nous avons compris que nous ne pouvions pas rester sur notre trajectoire industrielle de petits pas, et que nous devons accélérer vers les grands volumes... Nous avons donc révisé à la hausse de nos ambitions industrielles en allant directement vers une usine de plus grande taille, dimensionnée pour produire 10.000 tonnes d'isobutène et dérivés, à des prix moins élevés. Cette usine permettra de servir le marché des ingrédients cosmétiques, puis celui des carburants d'aviation durable. Sa mise en service est prévue en fin 2027...
Boursier.com : Vous aviez annoncé viser en priorité celui des carburants routiers durables pour la F1. Est-ce toujours dans vos plans ?
M.D. : La Formule 1 va passer au "tout renouvelable" dès 2026. C'est un tout petit marché : quelques centaines de tonnes... Ce marché avait un vrai sens dans le cadre d'une usine de 2.000 tonnes/an. Dans le contexte d'une usine de 10.000 tonnes par an, il devient anecdotique. Nous gardons la perspective en tête, mais abaissons son niveau de priorité. Le grand marché d'avenir, pour nous, est celui des carburants d'aviation durables. Notre procédé doit encore progresser pour que les coûts soient compétitifs dans ce domaine, mais nos produits sont différents et complémentaires de ceux des autres technologies en développement. Nous avons une bonne chance de compter significativement dans ce grand secteur d'avenir...
Boursier.com : Dans quelle mesure l'Oréal vous accompagne dans votre développement industriel ?
M.D. : L'Oréal soutient pleinement cette évolution de notre trajectoire industrielle : dans le cadre du plan " L'Oréal pour le futur ", L'Oréal a pris l'engagement d'atteindre en 2030 95% d'ingrédients bio-sourcés, issus de minéraux abondants ou de procédés circulaires dans ses formules. Nous pouvons contribuer significativement à l'atteinte de cet objectif en nous focalisant sur la production de volumes importants, et ça colle bien avec notre nouvelle trajectoire industrielle...
Boursier.com : Quelle est votre vision stratégique au-delà de cette usine ?
M.D. : Notre vision repose sur l'immense croissance à venir du marché des carburants d'aviation durables, qui se chiffrerait en centaines de millions de tonnes à horizon 2050... Notre usine de 10.000 tonnes/an servira de modèle à de nombreuses autres. Notre procédé est adapté à l'utilisation de différentes ressources de première génération (sucre de betterave ou de canne, amidon de blé ou de maïs...), et aussi aux ressources émergentes de deuxième génération (sucres de bois ou de paille...). Nous pourrons donc répliquer notre grande usine dans les différentes régions du monde, en nous appuyant sur les ressources locales. Ce marché émergent est encore plein d'inconnues, mais nous avons une proposition technologique unique, et l'ambition de compter pleinement. L'aviation contribue largement au réchauffement climatique, et chacun comprend bien qu'elle doit prendre un virage serré vers le renouvelable pour continuer de se développer...